Soyons clairs : l'innovation est devenue systémique. On peut la regarder comme une propriété fondamentale d'un système mondial où les cerveaux, les connaissances, les idées, les technologies et les marchés sont massivement interconnectés et produisent de la transformation à rythme exponentiel. Dans ce paysage, peu d'entreprises peuvent prétendre continuer à innover et à se développer en systèmes fermés.
Pour autant, l'innovation ouverte ou collaborative n'est pas exempte de défis. Il ne suffit pas de la décréter pour espérer en récolter les fruits. Elle est stratégique, impacte les modèles et les fonctionnements d'entreprises à long terme, et représente sans doute une des missions les plus décisives pour les dirigeants d'aujourd'hui.
L'open innovation est stratégique parce qu'elle vient s'inscrire au cœur des paramètres propres à chaque entreprise et qu'elle doit se mouler sur eux. Est-il opportun pour vous de recourir à une approche de type crowdsourcing, où vous primerez la meilleure solution à une question que vous aurez préalablement publiée ? Netflix en offre un exemple fameux pour avoir résolu ainsi le problème complexe (et crucial !) de son algorithme de recommandation. Mais cela suppose que vous sachiez atteindre, motiver et piloter les compétences nécessaires où qu'elles se trouvent, que vous puissiez compter en sortie sur des solutions industrialisables, et que vous disposiez des savoir-faire et des moyens de les évaluer à un coût économiquement rentable.
Sera-t-il préférable alors de vous unir en consortium avec un ou plusieurs partenaires, et donc de partager les processus de décision et tout ou partie de la propriété intellectuelle dans une démarche plus horizontale ? Cela signifiera que vous savez mettre le doigt sur les partenaires avec lesquels réussir, et créer avec eux le réseau de confiance, le niveau d'intérêt mutuel à long terme et l'architecture de collaboration la plus efficace... L'alliance Pfizer-Biontech dans le développement du vaccin contre la Covid-19 montre que c'est possible et potentiellement créateur de valeur.
Quantité d'approches de l'open innovation font ainsi l'objet de retours d'expériences : plus ou moins ouvertes, plus ou moins partagées, plus ou moins opportunistes ou durables... mais les dirigeants ne peuvent laisser au hasard ou à l'inspiration de leurs équipes le soin de décider comment s'y engager. Car aucune ne peut être efficace si elle s'avère décorrélée de la stratégie de l'entreprise.
L'open innovation peut aussi percuter violemment votre organisation et certains de ses profils vitaux. On ne passe pas d'une culture de résolution de problèmes à un rôle de « recherche et découverte de solutions extérieures » d'un simple claquement de doigts. Cela peut être vécu comme un bouleversement d'identité professionnelle, qui explique bien des cas de non-adoption de solutions dont seul défaut était de n'avoir pas été inventées par les équipes supposées les porter. Là encore, et parce qu'on touche à la culture, le rôle des dirigeants est vital. C'est à eux de rappeler leurs équipes à la mission et aux objectifs fondamentaux poursuivis par l'entreprise, et auxquels chaque innovation apporte sa contribution.
En 2016, une étude publiée par Accenture, appuyée sur 200 projets d'innovation collaborative, a montré que seulement 38% d'entre eux atteignaient leurs objectifs stratégiques lorsque les dirigeants étaient peu impliqués, contre 68% dans le cas contraire. L'open innovation n'est pas un simple « outil » qu'on mobilise ici ou là sans autre enjeu ou conséquence : elle s'inscrit dans une vision et une cohérence à long terme. Dirigeants, c'est votre affaire !