Pourquoi avoir attendu près de 30 ans pour vous développer sur le modèle de la franchise ?
Dans le monde du réseau, la combinaison exploitation en direct et exploitation en franchise est assez classique. Le second format permettant généralement de se développer loin de ses bases, avec des professionnels qui connaissent bien le tissu local. Si, jusqu’en 2010, la Croissanterie a fait son développement majoritairement au national sur des magasins en propre, c’est parce qu’il s’agissait du modèle privilégié par les foncières qui gèrent les centres commerciaux, sur lesquels nous avions axé notre stratégie d’implantation. Quand nous avons fait le choix de nous développer sur les zones de transports (gares, autoroutes, aéroports), le modèle de la franchise s’est imposé à nous car ces zones de « travel retail » sont généralement gérées par un opérateur unique, pétrolier ou ensemblier, qui a la concession pour l’ensemble de la restauration du site.
Peut-on parler de transformation de business model ?
En partie seulement, car ce développement sur les zones de transit respecte les fondamentaux de notre activité depuis l’origine : produits frais tout au long de la journée, offre large et positionnement sur les zones de flux. Ce qui a vraiment évolué, c’est l’organisation permettant d’adresser ces nouveaux marchés. Il faut en effet être encore plus structuré dans l’accompagnement que nous apportons. En raison de leur taille, nos partenaires ont par exemple besoin d’être informés plus en amont quand nous décidons de changer une carte. Nous avons également dû fiabiliser notre système de logistique. Là où un indépendant peut, le cas échéant, trouver une partie de ses ingrédients dans la grande surface proche, un franchisé opérant sur une aire d’autoroute a besoin d’être approvisionné à 100%, de façon régulière et fiable. Nous devons aussi être encore plus précis sur l’hygiène, le suivi de la qualité des produits pour avoir la garantie que le client est bien accueilli.
Ce nouveau modèle d’établissement nous a également amené à mettre au point un corner de fabrication et de vente « plug and play » dans lequel tous les process sont intégrés et qui n’a besoin que d’une alimentation électrique et d’une alimentation en eau pour être opérationnel.
D’où l’ouverture de 150 points de vente sur la période 2012-2018 ?
Oui, cette nouvelle organisation nous permet de déployer des établissements en un temps record, y compris à l’international. Ce savoir-faire de franchiseur est également un formidable atout pour développer les nouvelles marques de notre portefeuille. En 2018, nous avons fusionné avec le groupe Rush et ses marques Maison Pradier (snacking haut de gamme et traiteur) ainsi que Roberta (restauration rapide italienne). Avec mon associé David Lascar, nous sommes convaincus que ces deux enseignes, aujourd’hui très parisiennes, ont un très gros potentiel sur les zones de voyage et en province.
Cette plateforme de marques regroupées au sein du groupe Delineo nous permet de répondre à des appels d’offres plus importants. Avec plusieurs points de vente sur le même site, nous bénéficions également de vrais leviers de mutualisation des ressources, qu’il s’agisse de livraison ou d’accompagnement.
Quel est le rôle des investisseurs dans cette transformation ?
Nous avons la chance de travailler avec des partenaires financiers qui, comme Crédit Mutuel Equity, investissent sur fonds propres, avec une échelle de temps adaptée à notre stratégie et une réelle implication dans le projet de développement. Ils sont à la fois capables de nous challenger, de nous poser les bonnes questions, mais également d’être très réactifs en cas d’opportunités de croissance externe, comme cela a été le cas avec le rachat du groupe Rush.
Avec le recul, quel regard portez-vous sur la mutation que vient de vivre La Croissanterie ?
Cette transformation a été fondamentale. Sans elle, le groupe aurait peut-être disparu. Je suis convaincue qu’une entreprise ne peut pas traverser les années sans se réinventer régulièrement. L’idée, c’est d’être capable de savoir où sont ses forces et comment elles peuvent nous emmener ailleurs. Une fois cette analyse posée et la nouvelle orientation choisie, il faut être ambitieux et se donner les moyens de ses ambitions.