État des lieux avec Karine Lignel, Directrice Générale de Crédit Mutuel Innovation et Philippe Traisnel, Directeur Exécutif chez Crédit Mutuel Equity.

Pour quelles raisons certaines entreprises décident-elles aujourd’hui d’ouvrir leur capital à leurs salariés ?

Philippe Traisnel : Historiquement, on retrouve deux grands cas de figure. La plupart du temps, il s’agit d’associer les collaborateurs de l’entreprise pour les motiver et les fidéliser. De nombreux dirigeants sont en effet convaincus qu’un collaborateur-actionnaire va être capable de se dépasser, de faire preuve de plus d’autonomie et d’initiative.
Cet actionnariat salarié peut également répondre à une problématique de transmission ou de succession, quand un dirigeant choisit de céder son entreprise et offre à ses collaborateurs la possibilité de prendre leur avenir en main.

Karine Lignel : Depuis quelques années, l’ouverture du capital aux salariés peut également se placer sur le plan philosophique, le partage de la valeur s’inscrivant alors dans une logique RSE. J’ajouterais que pour certaines entreprises, avoir un bloc-salariés significatif au capital peut être un excellent moyen de protection contre des tentatives de prise de contrôle.

Existe-t-il une typologie d’entreprises plus « ouvertes » que d’autres à ce mécanisme ?

Karine Lignel : C’est un mécanisme très répandu dans les start-up, même si, plus qu’un actionnariat direct, cette participation au capital prend le plus souvent la forme de stock-options. En actionnariat direct ou pour les stock-options, cela aligne tous les intérêts de ceux qui sont concernés.

Philippe Traisnel : L’ouverture du capital aux collaborateurs est encore assez rare dans les entreprises familiales. Toutefois, elles sont de plus en plus nombreuses à y voir un moyen de renforcer leurs fonds propres, sans perdre leur indépendance.

Quelles formes prend généralement cette ouverture du capital ?

Philippe Traisnel : On l’a vu, il s’agit la plupart du temps de stock-options dans les start-up. Dans les entreprises plus traditionnelles, les dirigeants optent souvent pour la cession d’actions à quelques cadres clés de l’entreprise ou l’attribution d’actions gratuites. Parfois, les dirigeants mettent en place un FCPE, plus proche de l’épargne salariale que de l’actionnariat pur, car le FCPE s’adresse à l’ensemble des salariés.

Karine Lignel : Quand elles le peuvent, les entreprises préfèrent créer une holding dont les collaborateurs seront actionnaires. Cet actionnariat indirect permet de ne pas rendre trop complexe la gestion de l’entreprise et la liquidité des collaborateurs, en cas de départ notamment.

À quoi une entreprise doit-elle être vigilante dans ce process d’ouverture du capital ?

Philippe Traisnel : Nous recommandons de bien encadrer les règles de sortie, avec par exemple l’instauration d’un droit de préemption des actions par l’entreprise ou par les actionnaires selon des rangs à définir, pour éviter un éparpillement non maîtrisé du capital.

Karine Lignel : L’entreprise doit également être consciente que cette ouverture exigera un plus grand formalisme, une plus grande transparence sur les enjeux et les choix stratégiques de l’entreprise. Cela implique des réunions d’information plus fréquentes, plus de pédagogie et parfois une nécessaire évolution des organes de gouvernance. Cela peut également conduire à une vraie réflexion dans le cadre des entreprises « à raison d’être ».

Cette apparente complexité n’est-elle pas rédhibitoire ?

Karine Lignel : Les entreprises gagnent toujours à se structurer. Une société qui aura organisé sa communication pour informer ses collaborateurs-actionnaires aura ainsi moins de difficultés à faire face au formalisme nécessaire à une entrée en bourse.

Philippe Traisnel : Les dirigeants ayant fait le choix d’ouvrir leur capital et que nous accompagnons sont unanimes. L’investissement personnel en capital et le temps passé à expliquer les enjeux aux collaborateurs facilitent l’application des choix stratégiques et l’implication des collaborateurs. Au final, il peut s’agir d’un accélérateur de transformation.

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