En quoi consiste votre technologie ?
Hervé Affagard : Tout le monde sait aujourd'hui que le microbiote, autrement dit la flore intestinale, joue un rôle central dans le bon fonctionnement de notre organisme, notamment dans le bon fonctionnement des mécanismes de défense immunitaire. Or, certains traitements lourds (chimiothérapie, antibiotiques, transplantation de cellules souches) sont très agressifs et ont un impact destructeur sur les centaines d'espèces bactériennes qui composent notre microbiote. C'est notamment le cas pour les patients atteints de cancer du sang. Notre technologie consiste à concevoir des médicaments (gélules, lavements) à base de microbiotes de donneurs sains sélectionnés pour restaurer la flore intestinale altérée par ces traitements.
Travaillez-vous sur une indication particulière ?
H.A. : Notre développement le plus avancé concerne la maladie dite du greffon contre l'hôte (20 000 cas par an). Cette pathologie concerne des patients leucémiques qui reçoivent une transplantation de cellules souches, seule solution curative pour certaines leucémies. Dans 25 % des cas, les cellules transplantées attaquent les tissus du receveur. Les corticoïdes peuvent être inefficaces et alors le taux de décès de ces patients peut atteindre 80 %. Nous sommes face à un besoin médical non couvert aujourd'hui. Reconstruire le microbiote pourrait guérir cette maladie car elle induit une tolérance plus grande au niveau de l'intestin.
Quelles sont les étapes de développement d'une telle technologie ?
H.A. : Tout a commencé en 2013 quand, sensibilisé aux troubles digestifs du fait de mon histoire familiale, j'ai commencé à travailler sur le microbiote avec le docteur Joël Doré, directeur de recherche à l'Inra et le professeur Mohamad Mohty, oncologue à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. J'ai travaillé pendant un an pour établir le plan de développement initial (discussion avec les agences réglementaires, rencontres avec des partenaires R&D) avant de créer MaaT Pharma en décembre 2014. Nous avons débuté nos essais sur l'homme, dès septembre 2016, et ils se sont terminés en mai 2017. À cette occasion, nous avons établi la preuve de notre concept sur 25 patients atteints de leucémie. Nous avons réalisé un suivi des patients pour démontrer la sécurité du traitement à 1 an. Nous savons désormais que nous pouvons reconstruire 90 % du microbiote pour 90 % des patients. Nous entamons désormais les essais cliniques de phase II pour le traitement de l'indication greffon contre greffon qui a l'effet secondaire le plus délétère pour les patients leucémiques traités par transplantation de cellules souches. Notre objectif est d'obtenir une autorisation de commercialisation à l'horizon 2021.
Comment vos recherches sont-elles financées ?
H.A. : Nous avons procédé à une première levée de fonds de 2 millions d'euros en décembre 2014 pour la phase de développement animale, puis à un deuxième tour de table de 10 millions d'euros en 2016 pour les essais sur l'homme. Aujourd'hui, nous sommes en recherche active d'investisseurs pour le financement de nouveaux essais cliniques. À moyen terme, l'idéal serait d'intégrer un grand laboratoire pharmaceutique qui disposerait des moyens et du réseau pour lancer la commercialisation.
Il faut noter que la France est avec les États-Unis l'un des pays les plus avancés sur ces problématiques, qu'il s'agisse des centres de recherche, d'environnement réglementaire mais aussi de financement, avec des investisseurs très au fait des enjeux.
C'est le cas de Crédit Mutuel innovation ?
H.A. : Oui. Nous sommes en contact depuis la création de l'entreprise, même si le deal ne s'est concrétisé qu'à l'occasion de la levée de fond de 2016. Notre choix s'est porté sur Crédit Mutuel Innovation (ex CM-CIC Innovation) car ils font partie des investisseurs à penser « disruptif », à être capables de s'intéresser à de nouvelles approches de la pratique médicale. comme celle consistant à considérer que les microbes peuvent être protecteurs. Au-delà de l'expertise financière, nous apprécions tout particulièrement leur dynamique de mise en réseau. J'ai ainsi pu échanger avec une sommité mondiale de notre secteur, professeur à Harvard, grâce aux contacts de mes partenaires chez Crédit Mutuel Innovation.
Ils sont également membre de notre comité stratégique et nous construisons la vision « business » main dans la main.
Regard de partenaire
Le microbiote est un domaine complexe scientifiquement et très à la mode, suite à de nombreuses publications grand public.
Le paysage concurrentiel, dans un marché en forte croissance et en forte explosion de visibilité, offre des solutions très différentes.
La thèse de départ de MaaT, basée sur les relations fondamentales entre le microbiote et l'hôte, et donc l'importance, pour l'hôte, d'avoir un équilibre préservé de son microbiote, nous a beaucoup intéressés et nous a semblé à la fois disruptive et scientifiquement solide.
MaaT a aujourd'hui prouvé sa capacité à reconstruire un équilibre après que celui-ci ait été détruit par des traitements lourds. L'équipe procède par une succession d'étapes très précises et normalisées qui apportent une réelle industrialisation, plus sûre et plus facilement utilisable pour un nombre important de patients.
C'est également cette vision industrielle et structurée qui nous a séduits, ainsi que l'équipe complémentaire de très haut niveau.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, notamment pour influencer la perception que peuvent avoir les patients de ces solutions, mais les premiers résultats cliniques sont impressionnants et nous sommes très fiers de pouvoir accompagner MaaT dans cette aventure.
La survie globale à 5 ans est de 25%
pour les malades atteints d'une leucémie aigüe myeloïde
750 M€ marché initial visé
1re plateforme européenne répondant aux « bonnes patiques de fabrication » de médicaments à base de microbiote intestinal